55 492 entreprises ont connu une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire cette année, selon les données de la Banque de France. Les défaillances retrouvent leur niveau de 2019, après deux années de baisse liées aux aides gouvernementales lors de la crise Covid.
D’après les données de la Banque de France publiées le 5 janvier, 55 492 entreprises ont connu l’ouverture d’une procédure de défaillance (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) dans le pays en 2023, C’est beaucoup, certes, mais cela rejoint le niveau de 2019, avant la pandémie de coronavirus.
L’institution financière affirme que le nombre de défaillances « reflète un mouvement de rattrapage », après une période unique durant laquelle il était anormalement faible grâce aux aides gouvernementales envers les entreprises contraintes à l’inactivité.
Un constat partagé par beaucoup d’experts du secteur, comme Frédéric Abitbol, administrateur judiciaire et président du CNAJMJ (Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires), qui analyse les défaillances comme un retour « à la vie normale des affaires, et à l’étiage habituel de l’économie française ».
La Banque de France précise également que le nombre de défaillances en 2023 est en dessous de la moyenne annuelle sur la période 2010-2019, avec 59 342 procédures recensées chaque année.
Cela étant dit, le rattrapage reste important. On observe un bond de +34% d’entreprises entrées en procédure par rapport à 2022. Les branches de l’hébergement-restauration, de l’immobilier et de la construction sont les plus touchées, avec respectivement +44,6%, +40,4% et +38,7% de défaillances supplémentaires.
L’accumulation des dettes est l’une des problématiques mettant le plus à mal les entreprises. « Certaines ont des dettes envers l’Urssaf et les services fiscaux qui s’ajoutent aux dettes bancaires, d’autant que, dans certains secteurs, elles ont pu passer des hausses de salaires assez significatives après trois années de mesures gouvernementales exceptionnelles », analyse Denis Le Bossé, président du cabinet de recouvrement ARC. L’expert souligne également que les entreprises commerciales, à l’image des magasins de prêt-à-porter ou des restaurants, doivent assumer des baux commerciaux très importants.
A la gestion de dettes s’ajoute celle des trésoreries, qui sont aujourd’hui fragilisées. Les entreprises allongent les délais de paiement, et 50% d’entre elles ne règlent pas leurs factures dans les temps. Le retard moyen est de 12 jours, selon le bilan établi par le cabinet Altares. Aussi, la hausse des taux d’intérêts pousse les directeurs financiers à conserver le cash de l’entreprise aussi longtemps que possible.
Si les sociétés en difficulté tardent à régler l’ardoise, elles attendent également trop longtemps avant de contacter les tribunaux de commerce. Les professionnels de la justice n’ont ainsi plus les moyens de lancer une procédure de sauvegarde ou de redressement.
« Les chefs d’entreprise viennent nous voir au dernier moment, une fois qu’ils ont frappé à toutes les portes et que leur banquier leur a opposé un dernier refus. Souvent, ils sont déjà en cessation de paiements ; parfois, ils ont même cessé leur activité. Il n’y a alors plus rien à faire. Il ne reste plus qu’à liquider l’entreprise », témoigne Sophie Heurley, greffière auprès du tribunal de commerce de Narbonne et membre du bureau du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.
Les entreprises n’ont pourtant rien à perdre puisque la procédure de prévention est gratuite et anonyme. Aussi, elles ont plus de chances d’éviter la liquidation judiciaire en sollicitant l’aide d’experts dès les prémices de leurs problématiques financières.
Les données des greffiers des tribunaux indiquent que deux tiers des défaillances se sont conclues par une liquidation au premier semestre 2023. D’après Frédéric Abitbol, « la prévention a moins progressé en 2023 que d’habitude. On devrait avoir une hausse de 5% au lieu de 20% les années précédentes ».
Enfin la Banque de France relaie que 57 ETI et grandes entreprises ont été concernées par l’ouverture d’une procédure de défaillance cette année, soit le double par rapport à 2022. Les récentes difficultés de groupes importants tels que Casino, Habitat, Naf Naf et autres Lejaby, prouvent que ce ne sont plus uniquement les TPE/PME qui sont touchées.
Selon Frédéric Abitbol, cette évolution « provient en partie de la mise en place de nouvelles règles de sauvegardes financières qui permettent d’accélérer et de simplifier la mise en œuvre des solutions négociées dans les procédures amiables. A cet égard et paradoxalement, l’augmentation du nombre de sauvegardes financières est en réalité une bonne nouvelle, puisqu’elles permettent en général de désendetter et de recapitaliser les entreprises qui y ont recours ».