
Le développeur de l’outil permettant de signaler la présence d’agents de l’immigration aux États-Unis est accusé d’entraver la répression migratoire du locataire de la Maison Blanche.
« Nous travaillons avec le Département de la Justice pour voir si nous pouvons les poursuivre, parce que ce qu’ils font, c’est encourager activement les gens à éviter les activités et opérations policières. Nous allons en fait les poursuivre en justice si nous le pouvons, parce que ce qu’ils font, nous croyons que c’est illégal« .
Interrogée la semaine dernière devant le désormais célèbre centre de détention pour migrants « Alligator Alcatraz », symbole de l’agressive politique migratoire de Donald Trump, en Floride, la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem n’a pas mâché ses mots pour exprimer sa colère.
Dans sa ligne de mire : une application mobile de géolocalisation, dont le développeur Joshua Aaron semble être devenu l’ennemi public numéro un de l’administration fédérale. Baptisé ICEBlock en référence à l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) – les agents de l’immigration américaine –, l’outil permet aux utilisateurs de signaler en temps réel la présence d’agents dans un rayon de huit kilomètres autour d’eux.
Un succès fulgurant
Après signalement, l’application envoie des alertes push en temps réel à tous les utilisateurs de la zone concernée. Pour éviter les faux signalements, ICE Block impose plusieurs restrictions : chaque utilisateur ne peut faire qu’un signalement toutes les cinq minutes, et tous les rapports sont automatiquement supprimés après 4 heures.
L’outil privilégie l’anonymat total ; il ne collecte aucune donnée personnelle ni information de localisation des utilisateurs. Il est disponible gratuitement uniquement sur l’App Store d’Apple en 14 langues, dont l’anglais bien évidemment, mais aussi l’espagnol, l’arabe, l’hindi et le népalais.
Lancée en avril dernier, ICEBlock connaît un succès fulgurant, devenant l’application de réseau social gratuite numéro 1 aux États-Unis et la troisième application gratuite la plus téléchargée sur l’App Store américain. De quoi irriter l’entourage présidentiel, qui est allé jusqu’à menacer la chaîne de télévision CNN d’avoir évoqué l’application sur ses antennes.
Une initiative citoyenne
La procureure générale Pam Bondi s’est fendue d’un avertissement direct sur Fox News : « Nous l’examinons », a-t-elle déclaré en parlant d’Aaron. « Et il ferait mieux de faire attention ». Des menaces à peine voilées qui n’effraient pas le moins du monde l’intéressé.
« Je ne peux pas vivre dans la peur. Si nous pouvons sauver la vie d’une seule personne, si nous pouvons juste aider une personne à éviter une rencontre ou une situation horrible, c’est tout ce qui compte« , a-t-il rétorqué sur CNN. « Quand j’ai vu ce qui se passait dans ce pays, j’ai voulu faire quelque chose pour riposter« , a déclaré Aaron à propos des motivations derrière l’app, ajoutant que les efforts de déportation lui rappellent l’Allemagne nazie.
Face aux intimidations, les experts juridiques consultés par Wired sont unanimes : ICEBlock relève de la liberté d’expression protégée par le Premier Amendement et son créateur n’enfreint aucune loi. Il reste à savoir si cela va dissuader l’administration Trump dans ses tentatives pour la faire arrêter.